Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/304

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J’ai lu la Petite Fadette à son chevet. Puis nous avons parlé longtemps de tous ces beaux livres dont elle racontait les scènes touchantes en pleurant. Puis elle m’a parlé de vous, de votre cœur. Ah ! chère madame Sand, comme vous aimiez Marie ! comme vous aviez su comprendre son âme ! comme elle vous aimait, et comme je vous aime ! — Et comme je suis malheureux ! Il me semble que ma vie est sans but et que je ne l’accepte plus que par devoir.

« J’attends le jour où je pourrai vous parler d’elle, vous raconter toutes les choses inouïes de grandeur et de beauté que cet ange m’a dites dans ses jours de mélancolie et dans ses jours de douleur.

« Votre affectionné et désolé,

« LUGUET. »

Je citerai encore une lettre de ce bon et grand cœur qui avait été digne d’une telle mère. Je lui en demande pardon d’avance. Ces épanchemens ne s’attendaient guère à la publicité ; mais il s’agit ici, non de ménager la modestie de ceux qui vivent, il s’agit d’élever le monument de celle qui est morte. C’était une des plus grandes artistes et une des meilleures femmes de ce siècle. Elle a été méconnue, calomniée, raillée, diffamée, abandonnée par plusieurs qui eussent dû la défendre, par quelques uns qui eussent dû la bénir. Il faut qu’au moins quelques voix s’élèvent sur