Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/31

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Je me rassurai en voyant peu à peu que le jardinier qui m’effrayait ne m’en voulait pas personnellement, mais qu’il était fort contrarié de notre présence, gênante peut-être pour quelque projet d’occupation du pavillon, ou quelque dilapidation domestique. Je me rappelai Jean-Jacques Rousseau chassé de château en château, d’ermitage en ermitage, par des calculs et des mauvais vouloirs de ce genre, et je commençai à regretter de n’être pas chez moi.

Pourtant je quittai cette retraite avec regret, lorsqu’un jour mon mari s’étant querellé violemment avec ce même jardinier, résolut de transporter notre établissement à Paris. Nous prîmes un appartement meublé, petit, mais agréable par son isolement et la vue des jardins, dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré. J’y vis souvent mes amis anciens et nouveaux, et notre milieu fut assez gai.

Pourtant la tristesse me revint, une tristesse sans but et sans nom, maladive peut-être. J’étais très fatiguée d’avoir nourri mon fils ; je ne m’étais pas remise depuis ce temps-là. Je me reprochai cet abattement, et je pensai que le refroidissement insensible de ma foi religieuse pouvait bien en être la cause. J’allai voir mon jésuite, l’abbé de Prémord. Il était bien vieilli depuis trois ans. Sa voix était si faible, sa poitrine si épuisée, qu’on l’entendait à peine. Nous causâmes pourtant longtemps plusieurs fois, et il retrouva sa