Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/311

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prouver par des œuvres, et non par des discours. L’infini ne se démontre pas, il se cherche, et le beau se sent plus dans l’âme qu’il ne s’établit par des règles. Tous ces catéchismes d’art et de politique que l’on se jette à la tête, sentent l’enfance de la politique et de l’art. Laissons donc discuter, puisque c’est l’enseignement pénible, agaçant et puéril, qu’il faut sans doute encore à notre époque ; mais que ceux d’entre nous qui sentent au dedans d’eux-mêmes un élan véritable ne s’embarrassent pas de ce bruit de l’école, et fassent leur tâche en se bouchant un peu les oreilles.

Et puis, quand notre tâche du jour est faite, regardons celle des autres, et ne nous hâtons pas de dire qu’elle n’est pas bonne, parce qu’elle est différente. Profiter vaut mieux que contredire, et bien souvent on ne profite de rien, parce que l’on veut tout critiquer.

Nous exigeons trop de logique dans les autres, et par là nous montrons que nous n’en avons pas assez pour nous-mêmes. Nous voulons qu’on voie par nos yeux en toutes choses, et plus un individu nous frappe et nous occupe par l’emploi de hautes facultés, plus nous voulons l’assimiler à nos facultés propres, qui, à supposer qu’elles ne soient pas très inférieures, sont du moins très différentes. Philosophes, nous voudrions qu’un musicien fît ses délices de Spinoza ; musiciens, nous voudrions qu’un philosophe nous donnât