Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/336

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ciel des saints et des anges sur la terre. Je me souviens de lui avoir dit souvent qu’il y en avait, mais que nous n’avions pas toujours le sens divin qui les fait reconnaître sous l’humble forme et parfois sous le pauvre habit qui les déguisent. Nous avons de l’imagination, nous cherchons le prestige. La beauté, le charme, l’esprit, la grâce nous enivrent, et nous courons après de trompeurs météores sans nous douter que les vrais saints sont plus souvent cachés dans la foule que placés sur le piédestal. Et puis, quand nous avons suivi ces belles lumières qui attirent comme les feux follets, elles s’éteignent tout à coup, et avec elles l’enthousiasme qu’elles nous inspiraient. Ces erreurs-là s’appellent quelquefois passions. Les vrais saints ne fanatisent pas ainsi. Ils n’inspirent que des sentimens doux et angéliques comme eux-mêmes. Ils sont trop modestes pour vouloir entraîner ou éblouir. Ils ne troublent pas le cerveau, ils ne tourmentent pas le cœur. Ils sourient et bénissent. Heureux l’instinct qui les découvre et le jugement qui les apprécie !

Des saints et des anges ! Et pourquoi ne voulons-nous pas comprendre que ces beaux êtres fantastiques sont déjà de ce monde à l’état latent, comme le papillon splendide dans sa pauvre larve ? Ils n’ont ni rayons de feu ni ailes d’or pour se distinguer des autres hommes. Ils n’ont pas même toujours les beaux yeux profonds et lumineux