Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/387

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voulez pas souffrir en risquant de rencontrer le doute dans une recherche approfondie, et vous avez la vanité de croire que Dieu vous dispense de souffrir, pourvu que vous l’adoriez comme un fétiche. C’est trop d’estime de vous-mêmes. Dieu voudrait davantage, et cependant vous êtes contens de vous.

« Le démon de l’orgueil ! Il est en moi aussi chaque fois que je m’irrite contre les souffrances que j’ai acceptées en sortant du facile aveuglement des mystères. Il a été en moi surtout au commencement de cette recherche, et il m’a rendue sceptique pendant quelques années de ma vie. Il était né chez vous, mon démon d’orgueil ; il me venait de l’enseignement catholique ; il méprisait ma raison au moment où je voulais en faire usage ; il me disait : Ton cœur seul vaut quelque chose, pourquoi l’as-tu laissé languir ? Et ainsi émoussant l’arme dont j’avais besoin, chaque fois que j’y portais la main, il me rejetait dans le vague et voulait me persuader de ne croire qu’à mon sentiment.

« Ainsi, ceux que vous appelez des esprits forts, ô catholiques, ne sont pas toujours assez fiers de leur raison, tandis que vous autres, vous êtes à toute heure excessivement orgueilleux de votre sentiment. »

Mais le sentiment sans raison fait le mal aussi aisément que le bien. Le sentiment sans raison est exigeant, impérieux, égoïste. C’est par le