Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/537

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Il lui passait par la tête de me retenir pour me taquiner, et comme je voyais venir l’orage, je m’esquivais, lassée ou froissée, redescendant tous les escaliers avec autant d’impatience que je les avais montés.

Pour donner une idée de ces étranges querelles de sa part, il me suffira de raconter celle-ci, qui prouve, entre toutes les autres, combien son cœur était peu complice des voyages de son imagination.

J’avais au bras un bracelet de cheveux de Maurice, blonds, nuancés, soyeux, enfin d’un ton et d’une finesse à ne pas douter qu’ils eussent appartenu à la tête d’un petit enfant. On venait d’exécuter Alibaud, et ma mère avait entendu dire qu’il avait de longs cheveux. Je n’ai jamais vu Alibaud, j’ai ouï dire qu’il était très brun ; mais ne voilà-t-il pas que ma pauvre mère, qui avait la tête toute remplie de ce drame, s’imagine que ce bracelet est de sa chevelure !

« La preuve, me dit-elle, c’est que ton ami Charles Ledru a plaidé la cause de l’assassin. »

À cette époque, je ne connaissais pas Charles Ledru, pas même de vue ; mais il n’y eut aucun moyen de la dissuader. Elle voulait me faire jeter au feu ce cher bracelet, qui était toute la toison dorée du premier âge de Maurice, et qu’elle m’avait vu dix fois au bras sans y faire attention. Je fus obligée de me sauver pour l’empêcher de me l’arracher. Je me sauvais souvent