Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/569

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l’en fit descendre sans espoir d’y jamais remonter : la cruelle mort l’attendait. On m’a dit qu’il ne m’avait jamais pardonné ma sincérité. Eh bien, je crois le contraire. Je crois que son cœur a été juste et sa raison lucide à un moment donné connu de lui seul. Aujourd’hui que je vois son âme face à face, je suis bien tranquille.

Il est une autre âme, non moins belle et pure dans son essence, non moins malade et troublée dans ce monde, que je retrouve avec autant de placidité dans mes entretiens avec les morts, et dans mon attente de ce monde meilleur où nous devons nous reconnaître tous au rayon d’une lumière plus vive et plus divine que celle de la terre.

Je parle de Frédéric Chopin, qui fut l’hôte des huit dernières années de ma vie de retraite à Nohant sous la monarchie.

En 1838, dès que Maurice m’eut été définitivement confié, je me décidai à chercher pour lui un hiver plus doux que le nôtre. J’espérais le préserver ainsi du retour des rhumatismes cruels de l’année précédente. Je voulais trouver, en même temps, un lieu tranquille où je pusse le faire travailler un peu ainsi que sa sœur, et travailler moi-même sans excès. On gagne bien du temps quand on ne voit personne, on est forcé de veiller beaucoup moins.

Comme je faisais mes projets et mes préparatifs de départ, Chopin, que je voyais tous les