Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/94

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J’allai trouver les employés de la maison Giroux et leur montrai mes échantillons. Ils me conseillèrent d’essayer beaucoup d’objets différens, des éventails, des boîtes à thé, des coffrets à ouvrage, et m’assurèrent que j’en aurais le débit chez eux. J’emportai donc de Paris une provision de matériaux, mais j’usai mes yeux, mon temps et ma peine à la recherche des procédés. Certains bois réussissaient comme par miracle, d’autres laissaient tout partir ou tout gâter au vernissage. J’avais des accidens qui me retardaient, et, somme toute, les matières premières coûtaient si cher, qu’avec le temps perdu et les objets gâtés, je ne voyais, en supposant un débit soutenu, que de quoi manger du pain très sec. Je m’y obstinai pourtant, mais la mode de ces objets passa à temps pour m’empêcher d’y poursuivre un échec.

Et puis, malgré moi, je me sentais artiste, sans avoir jamais songé à me dire que je pouvais l’être. Dans un de mes courts séjours à Paris, j’étais entrée un jour au musée de peinture. Ce n’était sans doute pas la première fois, mais j’avais toujours regardé sans voir, persuadée que je ne m’y connaissais pas, et ne sachant pas tout ce qu’on peut sentir sans comprendre. Je commençai à m’émouvoir singulièrement. J’y retournai le lendemain, puis le surlendemain ; et, à mon voyage suivant, voulant connaître un à un tous les chefs-d’œuvre, et me rendre compte