Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/181

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allait se mettre à table, c’est à dire se ranger autour de la gamelle. On m’invite poliment à dîner. Je prends une cuillère, et me voilà à m’empifrer avec toute la société. À un petit goût de fumée près, la soupe était, ma foi, très bonne, et je t’assure qu’on ne meurt pas de cette cuisine-là. Je régale ensuite les camarades de quelques pots de bière et de quelques tranches de jambon. Nous fumons quelques pipes, nous voilà amis comme si nous avions passé dix ans ensemble. Tout à coup l’appel sonne, on descend dans la cour. Le chef d’escadron s’avance, je vais à lui, je lui remets la lettre du capitaine, il me serre la main, mais il m’apprend que le chef de brigade et le général sont aux avant-postes de l’armée de Mayence avec l’autre partie de mon régiment. Je vois dans l’instant qu’il n’y a rien à faire à Bruxelles, et je le dis tout net à mon chef d’escadron qui m’approuve sans hésiter. Il m’expédie une feuille de route pour les avant-postes, et après dix-huit heures d’amitié avec mon chef et mes camarades, me voilà parti ! Mais le destin, ma bonne mère, me sert mieux que la prudence. Je passais par Cologne pour me rendre dans les environs de Francfort, où est mon régiment, lorsque j’ai appris que le citoyen d’Harville, général en chef et inspecteur de la cavalerie de Mayence, allait arriver ici dans deux jours. Je suspends ma course, je l’attends. Tout le monde me dit qu’avec la recommandation