Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/187

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« Je me retrouvai près de toi, dans la rue du Roi-de-Sicile, dans ton boudoir gris de perle. C’est étonnant comme la musique vous replonge dans les souvenirs. C’est comme les odeurs : quand je respire tes lettres, je crois être dans la chambre à Nohant, et le cœur me saute à l’idée que je vais te voir ouvrir ce meuble en marqueterie qui sent si bon, et qui me rappelle des choses si sérieuses d’un anti-temps[1].

Je n’ai découvert son identité qu’en retrouvant tout récemment les procès-verbaux du fait, et la lettre de mon père qu’on vient de lire. Les meubles ont leur histoire, et s’ils pouvaient parler que de choses ils nous raconteraient !

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« En sortant de la comédie, ce diable de bon garçon (mon ami le secrétaire) m’a emmené souper. Je ne voulais pas boire de vin parce qu’il est trop cher ici, et que je voudrais m’en déshabituer. Il y avait six jours que je n’en avais goûté ; mais, en le voyant sur la table, et pressé par mon camarade, je n’ai pas su résister. »


LETTRE XVIII.

« 23 frimaire an VII (décembre 98). Cologne.

« Ma foi, ma bonne mère, si j’osais, je te gronderais, car je ne reçois pas de tes nouvelles,

  1. Ce meuble en marqueterie était le même dont Deschartres et mon père brisèrent les scellés en 93, pour soustraire des papiers qui eussent été l’arrêt de mort de ma grand’mère. J’ai toujours ce casier avec ses vingt-trois cartons, dont quelques-uns portaient encore naguère des traces de la cire de la république.