Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/190

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pas te dire de mal de l’ancien régime ; mais pourtant j’aimerais mieux faire mes preuves sur un champ de bataille que dans un bal.

« Tu me demandes si j’ai planté là Caulincourt. Ce n’est point pour moi un homme à planter là, je t’assure car il fait la pluie et le beau temps chez le général. Je lui témoigne toujours tout le respect et les attentions auxquels je suis tenu ; mais c’est un être original qui ne peut me plaire infiniment. Un jour il vous fait des avances ; le lendemain il vous reçoit sèchement. Il dit des douceurs à la Deschartres. Il tance ses secrétaires comme des écoliers, et, dans la conversation la plus insignifiante, il garde le ton d’un homme qui fait la leçon à tout le monde. C’est l’amour du commandement personnifié. Il vous dit qu’il fait chaud ou froid, comme il dirait à son domestique de brider son cheval. J’aime infiniment mieux Durosnel, l’autre aide-de-camp. Celui-là est vraiment aimable, bon et simple dans ses manières. Il parle toujours avec franchise et amitié, et n’a pas de caprices. Il était aussi au bal d’avant-hier, et nous étions placés pour valser par rang de grade. D’abord le citoyen de Caulincourt, ensuite Durosnel, puis moi ; de manière que l’adjoint, l’aide-de-camp et l’ordonnance accomplissaient leur rotation comme des planètes.

« Toutes tes réflexions sur le monde à propos de ma situation sont bien vraies, ma bonne mère.