Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/237

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moment du retour de Saint-Jean était affreux. À sa manière d’ouvrir la porte, mon cœur battait avec violence. Il ne disait mot, le pauvre homme, et j’étais prête à mourir. Mon fils ! n’éprouve jamais ce que j’ai souffert !

« Enfin, hier, j’ai reçu ta bonne grande lettre. Ah ! comme je m’en suis emparée ! comme je l’ai tenue longtemps serrée sur mon cœur sans pouvoir l’ouvrir ! Je me suis trouvée couverte de larmes qui m’aveuglaient quand j’ai voulu la lire. Mon Dieu, que n’avais-je point imaginé ?

« Je craignais qu’on ne l’eût fait partir pour la Hollande. Je déteste ce pays et cette armée ; je ne sais pourquoi. Tous ces morts, tous ces blessés me glaçaient d’effroi. Mais il m’aurait écrit son départ, me disais-je, et j’étais bien loin de croire que tu fusses à l’armée victorieuse de Masséna. Je ne pouvais croire à de tels succès avant d’avoir lu ta lettre. C’est que tu y étais, mon fils, tu lui as porté bonheur, et c’est à toi qu’il doit sa gloire. Trois batailles où tu t’es trouvé en quinze jours ! et tu es sain et sauf, grâce à Dieu ! Dieu soit loué ! Mon Dieu ! si c’étaient les dernières ! Comme toi, je rirais et je chanterais. Mais la paix n’est pas faite.

« Tu dis que nous sommes près de rentrer en Italie ; si cela était, il n’y aurait point de fin à nos maux, et il est bien temps de renoncer à s’égorger pour occuper un terrain qui ne nous restera pas. Je conçois, mon enfant, les raisons