Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/274

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ne le maudis plus maintenant, et tu le regrettes avec moi !

« D’ailleurs, tu persistes à détester tous les héros. Comme je n’en suis pas encore un, je ne crains rien pour le présent. Mais est-ce que tu me défends d’aspirer à le devenir ? Je serais capable d’y renoncer si tu me menaçais de ne plus m’aimer, et d’aller planter des choux en guise de lauriers dans les carrés de ton jardin. Mais j’ai bon espoir pourtant que tu t’habitueras à mon ambition et que je trouverai moyen de me la faire pardonner.

« J’ai traversé les Etats du duc de Parme et je me suis cru en 88. Des fleurs de lis, des armes, des livrées, des chapeaux sous les bras, des talons rouges ; ma foi, cela paraît bien drôle aujourd’hui. On nous regardait dans les rues comme des animaux extraordinaires. Il y avait dans leurs regards un mélange d’effroi, de scandale, de haine tout-à-fait comique : Ils ont tous les préjugés, la sottise et la poltronnerie de nos royalistes de Paris. Notre commissaire des guerres, jeune homme tout à fait aimable, passa la soirée dans une des grandes maisons de l’endroit, et nous raconta que la conversation avait roulé tout le temps sur l’arbre généalogique de chaque famille des Etats du duc. Pour se divertir, il leur dit qu’il y avait dans la ville un petit-fils du maréchal de Saxe, et qu’il servait la république. Il y eut un long cri d’horreur et de stupéfaction dans l’assemblée.