Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/283

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qui, avec un petit air de confiance et d’amitié, ne laissait pas de nous espionner de tout son pouvoir. Nous n’étions pourtant allés à Rome que pour porter deux lettres, l’une au pape, pour lui demander la mise en liberté des personnes détenues pour opinions politiques, et l’autre au commandant en chef des forces napolitaines, pour qu’il notifiât à son gouvernement que nous redemandions le général Dumas[1] et M. Dolomieu, et que, dans le cas d’un refus, les baïonnettes françaises étaient toutes prêtes à faire leur office. Quoique nous ne fussions absolument que des porteurs de dépêches, on nous crut envoyés pour exciter une insurrection et armer les Jacobins. Dans cette belle persuasion, on nous campa sur le dos deux officiers napolitains, qui, sous prétexte de nous faire respecter, ne nous quittaient non plus que nos ombres ; on nous entoura de piéges et d’espions, on fit renforcer la garnison ; le bruit courut parmi le peuple que les Français allaient arriver. C’était une rumeur du diable. Le roi de Sardaigne, qui était à Naples, se sauva sur-le-champ en Sicile. Le secrétaire d’État tremblait de nous voir dans Rome ; il nous répétait sans cesse, pour nous faire peur, qu’il craignait que nous ne fussions assassinés, et qu’il serait prudent à nous de quitter nos uniformes. Nous lui répondions qu’aucune espèce de crainte

  1. Le père d’Alexandre Dumas.