Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/382

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Il revint à Paris sans l’avoir trahi et vécut calme et retiré dans son modeste intérieur. Ma bonne tante Lucie était à la veille de se marier avec un officier, ami de mon père, et ils se réunissaient avec quelques amis pour de petites fêtes de famille. Un jour qu’ils avaient formé quelques quadrilles, ma mère avait ce jour-là une jolie robe couleur de rose, et mon père jouait sur son fidèle violon de Crémone (je l’ai encore, ce vieux instrument au son duquel j’ai vu le jour), une contredanse de sa façon. Ma mère, un peu souffrante, quitta la danse et passa dans sa chambre. Comme sa figure n’était point altérée et qu’elle était sortie fort tranquillement, la contredanse continua.

Au dernier chassez-huit, ma tante Lucie entra dans la chambre de ma mère, et tout aussitôt s’écria : Venez, venez, Maurice, vous avez une fille.

— Elle s’appellera Aurore, comme ma pauvre mère qui n’est pas là pour la bénir, mais qui la bénira un jour, dit mon père en me recevant dans ses bras.

C’était le 5 juillet 1804, l’an dernier de la république, le 1er de l’empire.

— Elle est née en musique et dans le rose ; elle aura du bonheur, dit ma tante.