Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/468

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brûlure me resta pendant quelque temps, et, au lieu de jouer avec le feu comme jusque-là j’en avais eu la passion, la seule vue du feu me laissa une grande terreur.

Nous allions alors à Chaillot voir ma tante Lucie, qui y avait une petite maison et un jardin. J’étais parvenue à marcher, et je voulais toujours me faire porter par notre ami Pierret, pour qui, de Chaillot au boulevard, j’étais un poids assez incommode. Pour me décider à marcher le soir au retour, ma mère imagina de me dire qu’elle allait me laisser seule au milieu de la rue. C’était au coin de la rue de Chaillot et des Champs-Elysées, et il y avait une petite vieille femme qui, en ce moment, allumait le réverbère. Bien persuadée qu’on ne m’abandonnerait pas, je m’arrêtai, décidée à ne point marcher, et ma mère fit quelques pas avec Pierret pour voir comment je prendrais l’idée de rester seule ; mais comme la rue était à peu près déserte, l’allumeuse du réverbère avait entendu notre contestation, et, se tournant vers moi, elle me dit d’une voix cassée ! « Prenez garde à moi ; c’est moi qui ramasse les méchantes petites filles, et je les enferme dans mon réverbère pour toute la nuit. » Il semblait que le diable eût soufflé à cette bonne femme l’idée qui pouvait le plus m’effrayer. Je ne me souviens pas d’avoir éprouvé une terreur pareille à ce qu’elle m’inspira. Le réverbère