Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/559

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et qui s’était créé là comme par magie, mon père, ma mère, Hippolyte et moi y travaillant sans relâche pendant cinq ou six journées, les dernières de la vie de mon père, les plus paisibles peut-être qu’il ait goûtées, et les plus tendres dans leur mélancolie. Je me souviens qu’il apportait sans cesse de la terre et du gazon, et qu’en allant chercher ces fardeaux, il nous mettait, Hippolyte et moi, dans la brouette, prenant plaisir à nous regarder, et faisant quelquefois semblant de nous verser pour nous voir crier ou rire, selon notre humeur du moment.

Quinze ans plus tard, mon mari fit changer la disposition générale de notre jardin ; déjà le petit jardin de ma mère avait disparu depuis longtemps. Il avait été abandonné pendant mon séjour au couvent et planté de figuiers. Le poirier avait grossi et il fut question de l’ôter parce qu’il se trouvait rentré un peu dans une allée dont on ne pouvait changer l’alignement. J’obtins grâce pour lui. On creusa l’allée et une plate-bande de fleurs se trouva placée sur la sépulture de l’enfant. Quand l’allée fut finie, assez longtemps après, même, le jardinier dit un jour, d’un air mystérieux, à mon mari et à moi, que nous avions bien fait de respecter cet arbre. Il avait envie de parler et ne se fit pas beaucoup prier pour nous dire le secret qu’il avait découvert. Quelques années auparavant, en plantant ses figuiers, sa bêche avait heurté contre un petit