Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/604

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mon cerveau, ils offraient le contraste bien tranché de la gaîté et de la tristesse, de la bienveillance et de la sévérité.

Je regardais la bacchante avec étonnement ; j’avais lu l’histoire d’Orphée déchiré par ces cruelles, et le soir, quand la lumière vacillante éclairait le bras étendu et le thyrse, je croyais voir la tête du divin chantre au bout d’un javelot.

Mon petit lit était adossé à la muraille, de manière à ce que je ne visse pas de là cette figure qui me tourmentait. Comme personne ne se doutait de ma prévention contre elle, l’hiver étant venu, ma mère changea mon lit de place pour le rapprocher de la cheminée, et de là je tournai le dos à ma nymphe bien aimée pour ne voir que la ménade redoutable. Je ne me vantai pas de ma faiblesse, je commençais à avoir honte de cela ; mais, comme il me semblait que cette diablesse me regardait obstinément et me menaçait de son bras immobile, je mis ma tête sous les couvertures pour ne pas la voir en m’endormant. Ce fut inutile. Au milieu de la nuit, elle se détacha du médaillon, glissa le long de la porte, devint aussi grande qu’une personne naturelle, comme disent les enfans, et marchant à la porte d’en face, elle essaya d’arracher la jolie nymphe de son médaillon. Celle-ci poussait des cris déchirans ; mais la bacchante ne s’en souciait pas ; elle tourmenta et déchira le papier, jusqu’à