Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/618

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avec la simplicité et la droiture de la logique naturelle. Il voit des palais, des armées, des théâtres, des œuvres d’art, une cour, des femmes du monde, des savans, des hommes célèbres ; et son étonnement, son admiration tiennent du délire. Mais il voit aussi des mendians, des orphelins abandonnés, des plaies étalées à la porte des églises, des hommes qui meurent de faim à la porte des riches. Il s’étonne encore plus. Un jour, il prend un pain sur l’étalage d’un boulanger pour le donner à une pauvre femme qui pleure avec son enfant pâle et mourant dans les bras. On le traite de voleur, on le menace ; ses amis le grondent et tâchent de lui expliquer ce que c’est que la propriété. Il ne comprend pas. Une belle dame le séduit, mais elle a des fleurs artificielles dans les cheveux, des fleurs qu’il a crues vraies et qui l’étonnent, parce qu’elles sont sans parfum. Quand on lui explique que ce ne sont pas des fleurs, il s’effraie, il a peur de cette femme qui lui a semblé si belle, il craint qu’elle ne soit artificielle aussi.

Je ne sais plus combien de déceptions lui viennent quand il voit le mensonge, le charlatanisme, la convention, l’injustice partout. C’est le Candide ou le Huron de Voltaire, mais c’est conçu plus naïvement, c’est une œuvre chaste, sincère, sans amertume, et dont les détails ont une poésie infinie. Je crois que le jeune Battuécas