Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/620

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et à tous les contrastes que ma propre vie m’a présentés dès l’âge le plus tendre. J’ai donc été démocrate, non-seulement par le sang que ma mère a mis dans mes veines, mais par les luttes que ce sang du peuple a soulevées dans mon cœur et dans mon existence ; et si les livres ont fait de l’effet sur moi, c’est que leurs tendances ne faisaient que confirmer et consacrer les miennes.

Pourtant, les princesses et les rois des contes de fées firent longtemps mes délices. C’est que, dans mes rêves d’enfant, ces personnages étaient le type de l’aménité, de la bienfaisance et de la beauté. J’aimais leur luxe et leurs parures ; mais tout cela leur venait des fées, et ces rois-là n’ont rien de commun avec les rois véritables. Ils sont traités d’ailleurs fort cavalièrement par les génies quand ils se conduisent mal, et, à cet égard, ils sont soumis à une justice plus sévère que celle des peuples.

Les fées et les génies ? où étaient-ils, ces êtres qui pouvaient tout, et qui, d’un coup de baguette, vous faisaient entrer dans un monde de merveilles ! Ma mère ne voulut jamais me dire qu’ils n’existaient pas, et je lui en sais maintenant un gré infini. Ma grand’mère n’y eût pas été par quatre chemins, si j’avais osé lui faire les mêmes questions.

Toute pleine de Jean-Jacques et de Voltaire, elle eût démoli sans remords et sans pitié tout l’édifice enchanté de