Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/629

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pas encore vue, nous allâmes solennellement la prier de nous honorer de sa visite dans le petit bois, et nous disposâmes tout pour lui donner la surprise de la cascade. Nous nous imaginions qu’elle serait ravie ; mais, soit qu’elle trouvât la chose trop puérile, soit qu’elle fût mal disposée pour ma mère, ce jour-là, au lieu d’admirer notre chef-d’œuvre, elle se moqua de nous, et la terrine servant de bassin (nous avions pourtant mis des petits poissons dedans pour lui faire fête !) nous attira plus de railleries que d’éloges. Pour mon compte j’en fus consternée, car rien au monde ne me paraissait plus beau que notre grotte enchantée, et je souffrais réellement quand on s’efforçait de m’ôter une illusion.

Les promenades à âne nous mettaient toujours en grande joie ; nous allions à la messe tous les dimanches sur ce patriarche des roussins, et nous portions notre déjeuner pour le manger après la messe, dans le vieux château de Saint-Chartier qui touche à l’église. Ce château était gardé par une vieille femme qui nous recevait dans les vastes salles abandonnées du vieux manoir, et ma mère prenait plaisir à y passer une partie de la journée.

Ce qui me frappait le plus, c’était l’apparence fantastique de la vieille femme, qui était pourtant une véritable paysanne, mais qui ne tenait aucun compte du dimanche et filait sa quenouille, ce jour-là, avec autant d’activité que dans la