Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/88

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Pour être complet, il eût dû être ignare, gourmand et lâche. Mais loin de là, il était fort savant, très sobre et follement courageux. Il avait toutes les grandes qualités de l’ame jointes à un caractère insupportable et à un contentement de lui-même qui allait jusqu’au délire. Il avait les idées les plus absolues, les manières les plus rudes, le langage le plus outrecuidant. Mais quel dévoûment, quel zèle, quelle ame généreuse et sensible ! pauvre grand homme ! comme je t’ai pardonné tes persécutions ! Pardonne-moi de même, dans l’autre vie, tous les mauvais tours que je t’ai joués, toutes les détestables espiègleries par lesquelles je me suis vengée de ton étouffant despotisme : tu m’as appris fort peu de choses, mais il en est une que je te dois et qui m’a bien servi : c’est de réussir, malgré les bouillonnemens de mon indépendance naturelle, à supporter longtemps les caractères les moins supportables et les idées les plus extravagantes.

Ma grand’mère, en lui confiant l’éducation de son fils, ne pressentait point qu’elle faisait emplette du tyran, du sauveur et de l’ami de toute sa vie.

À ses heures de liberté, Deschartres continuait à suivre des cours de physique, de chimie, de médecine et de chirurgie. Il s’attacha beaucoup à M. Desaulx, et devint sous le commandement de cet homme remarquable, un praticien fort habile pour les opérations chirurgicales. Plus tard,