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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/128

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au mois d’avril : les jardins fleurissaient, l’air était tiède. Les jeunes gens, et les Français surtout, croient volontiers que le mois de décembre n’arrivera jamais pour eux. Ce fier jeune homme a pu regretter plus d’une fois les fourrures de sa vieille tante, lors de la fatale retraite.

Les gens avisés, et Dieu sait qu’il n’en manque point après l’événement, ont prétendu qu’ils avaient tous mal auguré de cette gigantesque entreprise ; qu’ils avaient blâmé Napoléon comme un conquérant téméraire : enfin, qu’ils avaient eu le pressentiment de quelque immense désastre. Je n’en crois rien, ou du moins je n’ai jamais entendu exprimer ces craintes, même chez les personnes ennemies, par système ou par jalousie, des grandeurs de l’empire. Les mères qui voyaient partir leurs enfans se plaignaient de l’infatigable activité de l’empereur, et se livraient aux inquiétudes et aux regrets personnels inévitables en pareil cas. Elles maudissaient le conquérant ambitieux ; mais jamais je ne vis en elles le moindre doute du succès, et j’entendais tout, je comprenais tout à cette époque. La pensée que Napoléon pût être vaincu ne se présenta jamais qu’à l’esprit de ceux qui le trahissaient. Ils savaient bien que c’était le seul moyen de le vaincre. Les gens prévenus, mais honnêtes, avaient en lui, tout en le maudissant, la confiance la plus absolue, et j’entendais dire à une des amies de ma grand’mère : Eh bien ! quand