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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/130

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et ma mère regrettait de n’avoir pas le moyen de l’emmener à Paris pendant l’hiver.

Ce maudit hiver était le désespoir de ma pauvre Ursule. Toute différente de moi en ceci, elle se croyait exilée quand elle retournait dans sa famille. Ce n’est pas que ses parens fussent dans la misère. Son père était chapelier et gagnait assez d’argent, surtout dans les foires, où il allait vendre des chapeaux à pleines charretées aux paysans. Sa femme, pour aider à son débit, tenait ramée dans les foires ; mais ils avaient beaucoup d’enfans, et de la gêne, par conséquent.

Ursule ne pouvait supporter sans se plaindre le changement annuel de régime et d’habitudes. On pensa que le richement menaçait de lui tourner la tête, on commença à regretter de lui avoir fait manger son pain blanc le premier, et on parla de la reprendre et de la mettre en apprentissage pour lui donner une profession. Je ne voulais pas entendre parler de cela, et ma grand’mère hésita quelque temps. Elle avait quelque désir de garder Ursule, disant qu’un jour elle pourrait gouverner ma maison et s’y rendre utile en ne cessant pas d’être heureuse : mais il y avait du temps jusque-là ; on ne savait ce qui pourrait arriver, et Ursule n’était pas d’un caractère à être jamais une fille de chambre. Elle avait trop de fierté, de franchise et d’indépendance pour faire penser qu’elle se plierait à faire des volontés