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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/135

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les nouvelles de Russie vinrent, à l’automne, jeter de notes lugubres et faire passer sous nos yeux hallucinés des images effrayantes et douloureuses. Nous commencions à écouter la lecture des journaux, et l’incendie de Moscou me frappa comme un grand acte de patriotisme. Je ne sais pas aujourd’hui s’il faut ainsi juger cette catastrophe. La manière dont les Russes nous faisaient la guerre est à coup sûr quelque chose d’inhumain et de farouche qui ne peut avoir d’analogue chez les nations libres. Dévaster ses propres champs, brûler ses maisons, affamer de vastes contrées pour livrer au froid et à la faim une armée d’invasion serait héroïque de la part d’une population qui agirait ainsi de son propre mouvement. Mais le czar russe qui ose dire, comme Louis XIV : L’État, c’est moi ! ne consultait point les populations esclaves de la Russie. Il les arrachait de leurs demeures, il dévastait leurs terres, il les faisait chasser devant ses armées comme de misérables troupeaux, sans les consulter, sans s’inquiéter de leur laisser un asile, et ces malheureux eussent été infiniment moins opprimés, moins ruinés et moins désespérés par notre armée victorieuse qu’ils ne le furent par leur propre armée, obéissant aux ordres sauvages d’une autorité sans merci, sans entrailles, sans notion aucune du droit humain.

En supposant que Rostopchin eût pris conseil, avant de brûler Moscou, de quelques riches et