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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/17

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fut Caroline ; elle me parut jolie comme un ange, malgré son petit nez retroussé. Elle était plus grande que moi relativement à nos âges respectifs ; elle avait la peau moins brune, les traits plus délicats, et une expression de finesse un peu froide et railleuse. Elle soutint avec aplomb la rencontre de ma grand’mère, elle se sentait chez elle ; elle m’embrassa avec transport, me fit mille caresses, mille questions, avança tranquillement et fièrement un fauteuil à ma bonne maman en lui disant : « Asseyez-vous, madame Dupin, je vais faire appeler maman qui est chez la voisine. » Puis, ayant averti la portière qui faisait leurs commissions, car elles n’avaient pas de servante, elle revint s’asseoir auprès du feu, me prit sur ses genoux, et se remit à me questionner et à me caresser, sans s’occuper davantage de la grande dame qui lui avait fait un si cruel affront.

Ma bonne maman avait certainement préparé quelque bonne et digne parole à dire à cette enfant pour la rassurer et la consoler, car elle s’était attendue à la trouver timide, effrayée ou boudeuse, et à soutenir une scène de larmes ou de reproches. Mais, voyant qu’il n’y avait rien de ce qu’elle avait prévu, elle éprouva, je crois, un peu d’étonnement et de malaise, car je remarquai qu’elle prenait beaucoup de tabac prise sur prise.

Ma mère arriva au bout d’un instant. Elle m’embrassa passionnément, et salua ma grand’-