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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/19

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heure, maman, » dit-elle, et elles parlèrent à dessein, d’autre chose. Ma mère était entrée avec une tempête dans l’âme, et, comme de coutume, elle était étonnée, devant la fermeté souple et polie de sa belle-mère, d’avoir à plier ses voiles et à rentrer au port.

Au bout de quelques instans, ma grand’mère se leva pour continuer ses visites, priant ma mère de me garder jusqu’à ce qu’elle vînt me reprendre : c’était une concession et une délicatesse de plus, pour bien montrer qu’elle ne prétendait pas gêner et surveiller nos épanchemens. Pierret arriva à temps pour lui offrir son bras jusqu’à la voiture. Ma grand’mère avait de la déférence pour lui, à cause du grand dévoûment qu’il avait témoigné à mon père. Elle lui faisait très bon accueil, et Pierret n’était pas de ceux qui excitaient ma mère contre elle. Bien au contraire, il n’était occupé qu’à la calmer et à l’engager à vivre dans de bons rapports avec sa belle-mère. Mais il rendait à celle-ci de très rares visites. C’était pour lui trop de contrainte que de rester une demi-heure sans allumer son cigare, sans faire de grimaces et sans proférer à chaque phrase son jurement favori : sac à papier !

Quelle joie ce fut pour moi que de nous retrouver dans ce qui me semblait ma seule, ma véritable famille ! Que ma mère me semblait bonne, ma sœur aimable, mon ami Pierret drôle