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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/209

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e la glu, mais bien à barbouiller notre visage, nos mains et nos vêtemens d’une pâte verte d’un ton fort équivoque. Ma mère travaillait près de nous dans le jardin, assez distraite, suivant sa coutume, et ne songeant pas même à se préserver des éclaboussures de notre baquet. Tout à coup je vis venir Rose au bout de l’allée, et mon premier mouvement fut de me sauver. « Qu’a-t-elle donc ? » dit ma mère à Hippolyte en sortant de sa rêverie et en me regardant courir ; mon frère, qui n’a jamais aimé à se faire des ennemis, répondit qu’il n’en savait rien : mais ma mère était méfiante, elle me rappela, et interpellant Rose en ma présence : « Ce n’est pas la première fois, lui dit-elle, que je remarque combien la petite a peur de toi. Je crois que tu la brutalises. Mais, dit la rousse indignée de me voir si salie et si tachée, voyez comme elle est faite ! n’y a-t-il pas de quoi perdre patience quand il faut passer sa vie à laver et à raccommoder ses nippes ? — Ah çà, dit ma mère d’un ton brusque, t’imagines-tu, par hasard, que je t’ai fait entrer ici pour faire autre chose que laver et raccommoder des nippes ? crois-tu que c’est pour toucher une rente et lire Voltaire comme mademoiselle Julie ? Ote-toi cela de l’esprit, lave, raccommode, laisse courir, jouer et grandir mon enfant, c’est comme cela que je l’entends et pas autrement. »

Aussitôt que ma mère fut seule avec moi, elle me pressa de questions. « Je te vois trembler