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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/246

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lui demandai depuis quand il avait cette fantaisie de faire un roman. « Je l’ai toujours eue, répondit-il. Quand j’y rêve, il me passionne et me divertit quelquefois tant, que j’en ris tout seul. Mais quand je veux y mettre de l’ordre, je ne sais par où commencer, par où finir. Tout cela se brouille sous ma plume. L’expression me manque, je m’impatiente, je me dégoûte, je brûle ce que je viens d’écrire, et j’en suis débarrassé pour quelques jours. Mais bientôt cela revient comme une fièvre. J’y pense le jour, j’y pense la nuit, et il faut que je gribouille encore, sauf à brûler toujours.

— Que tu as tort, lui dis-je, de vouloir donner une forme arrêtée, un plan régulier à ta fantaisie ! tu ne vois donc pas que tu lui fais la guerre, et que si tu renonçais à la jeter hors de toi, elle serait toujours en toi active, riante et féconde ? Que ne fais-tu comme moi, qui n’ai jamais gâté l’idée que je me suis faite de ma création en cherchant à la formuler ?

— Ah çà, dit-il, c’est donc une maladie que nous avons dans le sang ? Tu pioches donc aussi dans le vide ? tu rêvasses donc aussi comme moi ? tu ne me l’avais jamais dit. » J’étais déjà fâchée de m’être trahie, mais il était trop tard pour se raviser. Hippolyte, en me confiant son mystère, avait droit de m’arracher le mien, et je lui racontai ce que je vais raconter ici.

Dès ma première enfance, j’avais besoin de