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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/248

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sa mort et son baptême la divinisaient à mes yeux. Je haïssais Armide, je méprisais Renaud. Je sentais vaguement de la guerrière et de la magicienne ce que Montaigne dit de Bradamante et d’Angélique, à propos du poème de l’Arioste : l’une « d’une beauté naïve, active, généreuse, non homasse, mais virile ; l’autre d’une beauté molle, affectée, délicate, artificielle : l’une travestie en garçon, coiffée d’un morion luisant : l’autre vêtue en fille, coiffée d’un atiffet emperlé. »

Mais au-dessus de ces personnages du roman, l’Olympe chrétien planait sur la composition du Tasse, comme dans l’Iliade les dieux du paganisme : et c’est par la poésie de ces symboles que le besoin d’un sentiment religieux, sinon d’une croyance définie, vint s’emparer ardemment de mon cœur. Puisqu’on ne m’enseignait aucune religion, je m’aperçus qu’il m’en fallait une, et je m’en fis une.

J’arrangeai cela très secrètement en moi-même ; religion et roman poussèrent de compagnie dans mon âme. J’ai dit que les esprits les plus romanesques étaient les plus positifs, et, quoique cela ressemble à un paradoxe, je le maintiens. Le penchant romanesque est un penchant du beau idéal. Tout ce qui, dans la réalité vulgaire, gêne cet élan est facilement mis de côté et compté pour rien par ces esprits logiciens à leur point de vue. Les chrétiens pri