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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/250

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dont elle semblait s’être fait une loi, me jetait dans le doute, et peut-être aussi l’éternel attrait du mystère dans mes émotions les plus intimes me portait-il à moi-même le préjudice moral d’être privée de direction. Ma grand’mère, en me voyant lire et apprendre le dogme par cœur, sans faire la moindre réflexion, se flattait peut-être de trouver en moi une table rase, aussitôt qu’elle voudrait m’instruire à son point de vue, mais elle se trompait. L’enfant n’est jamais une table rase. Il commente, il s’interroge, il doute, il cherche, et si on ne lui donne rien pour se bâtir une maison, il se fait un nid avec les fétus qu’il peut rassembler.

C’est ce qui m’arriva. Comme ma grand’mère n’avait eu qu’un soin, celui de combattre en moi le penchant superstitieux, je ne pouvais croire aux miracles et je n’aurais pas osé croire non plus à la divinité de Jésus. Mais je l’aimais quand même, cette divinité et je me disais : « Puisque toute religion est une fiction, faisons un roman qui soit une religion ou une religion qui soit un roman. Je ne crois pas à mes romans, mais ils me donnent autant de bonheur que si j’y croyais. D’ailleurs, s’il m’arrive d’y croire de temps en temps, personne ne le saura, personne ne contrariera mon illusion en me prouvant que je rêve. »

Et voilà qu’en rêvant la nuit, il me vint une figure et un nom. Le nom ne signifiait rien, que je sache, c’était un assemblage fortuit de