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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/268

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et où je m’agitai davantage. Mon corps et mon esprit se commandaient alternativement une inquiétude d’activité et une fièvre de contemplation, pour ainsi dire. Je dévorais les livres qu’on me mettait entre les mains, et puis tout à coup je sautais par la fenêtre du rez-de-chaussée, quand elle se trouvait plus près de moi que la porte, et j’allais m’ébattre dans le jardin ou dans la campagne, comme un poulain échappé. J’aimais la solitude de passion, j’aimais la société des autres enfans avec une passion égale ; j’avais partout des amis et des compagnons. Je savais dans quel champ, dans quel pré, dans quel chemin je trouverais Fanchon, Pierrot, Lilinne, Rosette ou Sylvain. Nous faisions le ravage dans les fossés, sur les arbres, dans les ruisseaux. Nous gardions les troupeaux, c’est-à-dire que nous ne les gardions pas du tout, et que, pendant que les chèvres et les moutons faisaient bonne chère dans les jeunes blés, nous formions des danses échevelées, ou bien nous goûtions sur l’herbe avec nos galettes, nos fromages et notre pain bis. On ne se gênait pas pour traire les chèvres et les brebis, voire les vaches et les jumens quand elles n’étaient pas trop récalcitrantes. On faisait cuire des oiseaux ou des pommes de terre sous la cendre. Les poires et les pommes sauvages, les prunelles, les mûres de buisson, les racines, tout nous était régal. Mais c’était là qu’il ne fallait pas être surpris par Rose, car il m’était enjoint de ne pas