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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/29

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pas souvent, pour l’artiste, plus belle, plus riche de couleur, de grâce, d’arrangement et de caractère, qu’un vilain palais moderne construit et décoré dans le goût constitutionnel, le plus pitoyable style qui existe dans l’histoire des arts ? Aussi n’ai-je jamais compris que les artistes de mon temps eussent tant de vénalité, de besoins de luxe et d’ambitions de fortune. Si quelqu’un au monde peut se passer de luxe et se créer à lui-même une vie selon ses rêves, avec peu, avec presque rien, c’est l’artiste, puisqu’il porte en lui le don de poétiser les moindres choses et de se construire une cabane selon les règles du goût ou les instincts de la poésie. Le luxe me paraît la ressource des gens bêtes.

Ce n’était pourtant point le cas pour mon grand-oncle ; son goût était luxueux de sa nature, et j’approuve beaucoup qu’on se meuble avec de belles choses quand on peut se les procurer, par d’heureuses rencontres, à meilleur marché que de laides. C’est probablement ce qui lui était arrivé, car il avait une mince fortune et il était fort généreux, ce qui équivaut à dire qu’il était pauvre et n’avait pas de folies et de caprices à se permettre.

Il était gourmand, quoiqu’il mangeât fort peu : mais il avait une gourmandise sobre et de bon goût comme tout le reste, point fastueuse, sans ostentation, et qui se piquait même d’être positive. Il était plaisant de l’entendre analyser ses