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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/299

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d’organiser un bon quatuor, et toutes les semaines on se réunissait, tantôt chez un amateur, tantôt chez l’autre, pour faire ce que les Italiens appellent musica di camera (musique de chambre), honnête et noble délassement qui a disparu avec les vieux virtuoses, derniers gardiens du feu sacré dans nos provinces.

J’adorais toujours la musique, bien que ma bonne maman me négligeât sous ce rapport, et que Gayard m’inspirât de plus en plus le dégoût de l’étudier à sa manière. Il arrivait bien rarement à ma grand’mère de poser ses doigts blancs et paralysés sur le vieux clavecin, et de chevroter ces majestueux fragmens des vieux maîtres qu’elle chevrotait mieux que personne ne les eût chantés. J’avais presque oublié que j’étais née musicienne aussi, et que je pouvais sentir et comprendre ce que les autres peuvent exprimer ou produire. La première fois qu’on m’envoya entendre la comédie à La Châtre, nos chanteurs ambulans donnèrent Aline, reine de Golconde. J’en revins transportée et sachant presque l’opéra par cœur, chant, paroles, accompagnemens, récitatifs. Une autre fois, ce fut Montano et Stéphanie ; puis le Diable à quatre, Adolphe et Clara, Gulistan, Ma tante Aurore, Jeannot et Colin, que sais-je ? toutes les jolies, faciles, chantantes et gracieuses opérettes de ce temps-là. Je repris fureur à la musique, et je chantais le jour en réalité, la nuit en rêve. La musique avait tout poétisé