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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/310

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lui en suis très reconnaissante, mais je ne peux pas m’habituer à me passer de ma mère. Mon cœur lui sacrifie tous les faux biens joyeusement. Elle m’en saura gré, et Dieu m’en tiendra compte. Personne n’a sujet d’être irrité contre moi, et ma bonne maman le reconnaîtra si je puis parvenir jusqu’à elle et combattre les calomnies qui se sont glissées entre elle et moi. »

Là-dessus j’essayai d’entrer chez elle, mais je trouvai encore la porte barricadée, et j’allai au jardin. J’y rencontrai une vieille femme pauvre à qui l’on avait permis de ramasser le bois mort. « Vous n’allez pas vite, la mère, lui dis-je, pourquoi vos enfans ne vous aident-ils pas ? — Ils sont aux champs, me dit-elle, et moi, je ne peux plus me baisser pour ramasser ce qui est par terre, j’ai les reins trop vieux. » Je me mis à travailler pour elle, et comme elle n’osait toucher au bois mort sur pied, j’allai chercher une serpe pour abattre les arbrisseaux desséchés et faire tomber les branches des arbres à ma portée. J’étais forte comme une paysanne, je fis bientôt un abatis splendide. Rien ne passionne comme le travail du corps quand une idée ou un sentiment vous poussent. La nuit vint que j’étais encore à l’ouvrage, taillant, fagotant, liant, et faisant à la vieille une provision pour la semaine au lieu de sa provision de la journée qu’elle aurait eu peine à enlever. J’avais oubliée de manger, et comme personne ne m’avertissait