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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/32

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Pendant ce temps, la bonne Bourdieu tâchait de me distraire. Elle me faisait faire des châteaux de cartes ou des édifices de dominos. Mon oncle qui était taquin, se retournait pour souffler dessus ou pour donner un coup de coude à notre petite table. Et puis, il disait à Mme Bourdieu qui s’appelait Victoire, comme ma mère : « Victoire, vous abrutissez cette enfant. Montrez-lui quelque chose d’intéressant. Tenez, faites-lui voir mes tabatières ! » Alors on ouvrait un coffret et l’on me faisait passer en revue une douzaine de tabatières fort belles, ornées de charmantes miniatures. C’étaient les portraits d’autant de belles dames en costume de nymphes, de déesses ou de bergères. Je comprends maintenant pourquoi mon oncle avait tant de belles dames sur ses tabatières. Quant à lui, il n’y tenait plus, et cela ne lui paraissait plus avoir d’autre utilité que d’amuser les regards d’un petit enfant. Donnez donc des portraits aux abbés ! heureusement ce n’est plus la mode.

Ma bonne maman me menait aussi quelque-

    neur dans le monde ; celui des hommes porte sur la bravoure et sur la loyauté dans les transactions pécuniaires. Celui des femmes n’est attaché qu’à la pudeur et à la fidélité conjugale. Si l’on se permettait de dire ici aux hommes qu’un peu de chasteté et de fidélité ne leur nuiraient pas, ils lèveraient certainement les épaules : mais nieront-ils qu’une honnête femme, qui serait en même temps un honnête homme, aurait doublement droit à leur respect et à leur confiance ?