Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’y a-t-il ? avez-vous dit à votre grand’mère quelque chose qui l’ait fâchée ? — Je n’ai rien dit du tout, répondis-je, et j’ai cru ne devoir rien dire. — Voyons, dit-elle en me prenant par la main, avez-vous du chagrin d’être ici ? Comme elle avait cet accent de franchise qui ne trompe pas, je lui répondis sans hésiter : « Oui, madame, malgré moi, je me sens triste et seule au milieu de gens que je ne connais pas. Je sens qu’ici personne ne peut encore m’aimer, et que je ne suis plus avec mes parens, qui m’aiment beaucoup. C’est pour cela que je n’ai pas voulu pleurer devant ma grand’mère, puisque sa volonté est que je reste où elle me met. Est-ce que j’ai eu tort ? — Non, mon enfant, répondit la mère Alippe, votre grand’mère n’a peut-être pas compris. Allez jouer, soyez bonne, et l’on vous aimera ici autant que chez vos parens. Seulement, quand vous reverrez votre bonne maman, n’oubliez pas de lui dire que, si vous n’avez pas montré de chagrin en la quittant, c’était pour ne pas augmenter le sien. »

Je retournai au jeu, mais j’avais le cœur gros. Il me semblait et il me semble encore que le mouvement de ma pauvre grand’mère avait été fort injuste. C’était sa faute si je regardais ce couvent comme une pénitence qu’elle m’imposait, car elle n’avait pas manqué, dans ses momens de gronderie, de me dire que, quand j’y serais, je regretterais bien Nohant et les petites