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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/400

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rigande, bien heureuse de recevoir cette généreuse hospitalité et cette magnanime protection. Sous la Restauration, on ne l’avait pas oublié sans doute. On recevait dans son salon le premier paysan venu, pourvu qu’il eût au coude le brassard sans tache. On filait la quenouille des bergères, on avait de touchans et affectueux souvenirs : mais on n’en était pas moins madame la marquise, et cette fausse égalité ne pouvait pas tromper le paysan. Si le fils de Pierre Riallo se fût présenté pour épouser Louise ou Laurence de La Rochejaquelein, on l’aurait considéré comme fou. Le fils des croisés, M. de La Rochejaquelein, aujourd’hui orateur politique, ne serait pas volontiers le beau-frère de quelque laboureur armoricain. Eh bien ! Pierre Riallo, c’est bien là réellement comme un symbole pour personnifier le peuple vis à vis de la noblesse. On se fie à lui, on accepte ses sublimes dévouemens, ses suprêmes sacrifices, on lui tend la main, on se fiancerait volontiers à lui aux jours du danger, mais on lui refuse, au nom de la religion monarchique et catholique, le droit de vivre en travaillant, le droit de s’instruire, le droit d’être l’égal de tout le monde ; en un mot, la véritable union morale des castes, on frémit à l’idée seule de la ratifier.

Je pensais déjà un peu à tout cela en quittant le salon de Mme de la Rochejaquelein, et, bien certaine que tout ce que j’avais vu n’était