Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quarante à cinquante ans, demoiselle, très bien née, on ne pouvait l’ignorer, car elle le disait à tout propos, sans fortune, et je crois peu instruite, car elle ne nous donnait aucune espèce de leçons et ne servait qu’à garder la classe comme surveillante. Elle était ennuyeuse et ridicule, mais bonne et convenable. Quelques unes de nous l’avaient prise en grippe et la traitaient si mal qu’elles la forçaient de sortir de son caractère. Je n’ai jamais eu qu’à me louer d’elle pour mon compte, et je me reproche même d’avoir ri avec les autres de sa tournure magistrale, de ses phrases prétentieuses, de son grand chapeau noir qu’elle ne quittait jamais, de son châle vert qu’elle drapait d’une manière si solennelle, enfin de ses lapsus linguæ qui étaient relevés sans pitié et qu’on plaçait ensuite très haut dans la conversation, sans qu’elle s’en aperçût jamais. J’aurais dû plutôt prendre son parti, puis qu’elle prenait souvent le mien auprès des religieuses. Mais les enfans sont ingrats (cet âge est sans pitié !) et la moquerie leur semble un droit inaliénable.

La seconde surveillante était une religieuse fort sévère Mme Anne-Françoise. Cette vieille, maigre et pâle, avait un énorme nez aquilin. Elle grondait beaucoup, injuriait trop, et n’était pas aimée. Je n’avais rien pour elle, ni éloignement ni sympathie. Elle ne me traitait ni bien ni mal. Je ne lui ai jamais vu de préférence pour personne, et on la soupçonnait d’être philosophe,