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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/424

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maladresse intellectuelle, gaucherie du cerveau, si l’on peut parler ainsi. Elle jasait sans rien dire : mais c’est qu’elle eût voulu beaucoup dire et qu’elle ne le pouvait pas, même dans sa propre langue. Il n’y avait pas absence, mais confusion d’idées. Préoccupée de ce à quoi elle voulait penser, elle disait des mots pour d’autres mots qu’elle croyait dire, ou elle laissait sa phrase au beau milieu, et il fallait deviner le reste tandis qu’elle en commençait une autre. Elle agissait comme elle parlait. Elle faisait cent choses à la fois et n’en faisait bien aucune : son dévoûment, sa douceur, son besoin d’aimer et de caresser semblaient la rendre tout à fait propre aux fonctions d’infirmière dont on l’avait revêtue. Malheureusement comme elle embrouillait sa main droite avec sa main gauche, elle embrouillait malades, remèdes et maladies : elle vous faisait avaler votre lavement, elle mettait la potion dans la seringue. Et puis elle courait pour chercher quelque drogue à la pharmacie, et croyant monter l’escalier, elle le descendait, et réciproquement. Elle passait sa vie à se perdre et à se retrouver. On la rencontrait toujours affairée, toute dolente pour un bobo survenu à une de ses dearest sisters[1] ou à un de ses dearest children[2]. Bonne comme un ange, bête comme une oie, disait-on. Et les autres religieuses la grondaient

  1. Très chères sœurs.
  2. Très chers enfans.