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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/455

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conservions tout en acquérant la maturité. Faute de raison, ces trésors de la première jeunesse sont perdus ou stériles : mais en nous reportant à ce temps de prodigalité morale, nous reprenons possession de notre véritable richesse, et nul de nous ne serait capable d’une mauvaise action s’il avait toujours devant les yeux le spectacle de sa première innocence. Voilà pourquoi ces souvenirs sont bons pour tout le monde comme pour moi.

Pourtant j’abrége, car si je voulais rapporter tout ce que je me rappelle avec plaisir et avec une exactitude de mémoire, à certains égards, qui me surprend moi-même, je remplirais tout un volume. Il suffira de dire que je passai longtemps dans cet état de diablerie, ne faisant quoi que ce soit, si ce n’est d’apprendre un peu d’italien, un peu de musique, le moins possible en vérité. Je m’appliquais seulement à l’anglais, que j’avais hâte de savoir, parce que la moitié de la vie était manquée au couvent quand on n’entendait pas cette langue. Je commençais aussi à vouloir écrire. Nous en avions toutes la rage, et celles qui manquaient d’imagination passaient leur temps à s’écrire des lettres les unes aux autres : lettres parfois charmantes de tendresse et de naïveté, que l’on nous interdisait sévèrement comme si c’eût été des billets doux, mais que la prohibition rendait plus actives et plus ardentes.

Disons en passant que la grande erreur de l’éducation monastique est de vouloir exagérer