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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/466

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tous les jours une heure en liberté, et, quoique je n’étudiasse pas du tout, cette heure de solitude et de rêverie me devint précieuse. Les moineaux, attirés par mon pain entraient sans frayeur chez moi et venaient manger jusque sur mon lit. Quoique cette pauvre cellule fût un four en été, et littéralement une glacière en hiver (l’humidité des toits se gelant en stalactites à mon plafond disjoint), je l’ai aimée avec passion, et je me souviens d’en avoir ingénument baisé les murs en la quittant, tellement je m’y étais attachée. Je ne saurais dire quel monde de rêveries semblait lié pour moi à cette petite niche poudreuse et misérable. C’est là seulement que je me retrouvais et que je m’appartenais à moi-même. Le jour, je n’y pensais à rien, je regardais les nuages, les branches des arbres, le vol des hirondelles. La nuit, j’écoutais les rumeurs lointaines et confuses de la grande cité qui venaient comme un râle expirant se mêler aux bruits rustiques du faubourg. Dès que le jour paraissait, les bruits du couvent s’éveillaient et couvraient fièrement ces mourantes clameurs. Nos coqs se mettaient à chanter, nos cloches sonnaient matines : les merles du jardin répétaient à satiété leur phrase matinale : puis les voix monotones des religieuses psalmodiaient l’office et montaient jusqu’à moi à travers les couloirs et les mille fissures de la masure sonore. Les pourvoyeurs de la maison élevaient dans la cour, située en précipice