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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/473

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elles avaient la dévotion sombre et comme malade. Les diables leur créaient mille contrariétés, mille indignations, mille colères mal rentrées. Leur vie était un supplice, une lutte entre le ridicule et le relâchement. D’ailleurs, il en est de la foi comme de l’amour. Quand on la cherche, on ne la trouve pas, on la trouve au moment où l’on s’y attend le moins. Je ne savais pas cela, mais ce qui m’éloignait de la dévotion, c’était la crainte d’y arriver par un esprit de calcul, par un sentiment d’intérêt personnel.

D’ailleurs, n’a pas la foi qui veut, me disais-je. Je ne l’ai pas, je ne l’aurai jamais. J’ai fait aujourd’hui le dernier effort : j’ai lu le livre même, la vie et la doctrine du Rédempteur ! je suis restée calme. Mon cœur restera vide.

En devisant ainsi avec moi-même, je regardais passer dans l’obscurité, comme des spectres, des ferventes qui s’en allaient furtivement répandre leurs âmes aux pieds de ce Dieu d’amour et de contrition. La curiosité me vint de savoir dans quelle attitude et avec quel recueillement elles priaient ainsi dans la solitude. Par exemple, une vieille locataire bossue qui s’en allait, toute petite et difforme, dans les ténèbres, plus semblable à une sorcière courant au sabbat qu’à une vierge sage ! « Voyons, me dis-je, comment ce petit monstre va se tordre sur son banc ! Cela fera rire les diables quand je leur en ferai la description. »