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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/482

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de divulguer le secret de mon bonheur. Je n’en avais pas la moindre honte. Je n’eus aucune espèce de combat à livrer contre ce que les dévots appellent le respect humain : mais j’étais comme avare de ma joie intérieure. J’attendais avec impatience l’heure de la méditation de l’église. J’avais encore dans l’oreille le Tolle, lege ! de ma veillée d’extase. Il me tardait de relire de livre divin ; et cependant je ne l’ouvris point. J’y rêvais, je le savais presque par cœur, je le contemplais pour ainsi dire en moi-même. Le côté miraculeux qui m’avait choquée ne m’occupa plus. Non-seulement je n’avais plus besoin d’examiner, mais je sentais comme du mépris pour l’examen après l’émotion puissante que j’avais goûtée dans sa plénitude, je me disais qu’il eût fallu être folle, ou sottement ennemie de soi-même, pour chercher à analyser, à commenter, à discuter la source de pareilles délices.

À partir de ce jour, toute lutte cessa, ma dévotion eut tout le caractère d’une passion. Le cœur une fois pris, la raison fut mise à la porte avec résolution, avec une sorte de joie fanatique. J’acceptai tout, je crus à tout, sans combats, sans souffrance, sans regret, sans fausse honte. Rougir de ce qu’on adore, allons donc ! Avoir besoin de l’assentiment d’autrui pour se donner sans réserve à ce qu’on sent parfait et chérissable de tous points ! Je n’avais rien de plus excellent qu’une autre dans le caractère ; mais je n’étais