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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/485

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qualifiait d’esprit fort aussi, je n’avais ni force ni esprit. Il n’y avait de force en moi que celle de la passion, et quand celle de la religion vint à éclater, elle dévora tout dans mon cœur ; rien dans mon cerveau ne lui fit obstacle.

J’ai dit qu’Anna aussi se jeta dans la piété après son mariage, mais tant qu’elle resta au couvent elle garda son incrédulité. Ma ferveur me rendit probablement moins agréable pour elle, et quoi qu’elle eût la générosité de ne me le faire jamais sentir, je fus naturellement entraînée vers d’autres intimités, comme je le dirai bientôt.

J’étais restée liée avec Louise de Larochejaquelein. Elle était encore à la petite classe, parce qu’elle était plus jeune que nous, mais elle était beaucoup plus raisonnable et plus instruite que moi. Je la rencontrai dans les cloîtres peu de jours après ma conversion, et ce fut la seule personne dont j’eus la curiosité de saisir la première impression. Comme elle n’était ni diable, ni bête, ni fervente, son jugement était une chose à part.

« Eh bien ! me dit-elle, es-tu toujours aussi désœuvrée, aussi tapageuse ?

— Que penserais-tu de moi, lui dis-je, si je t’apprenais que je me sens enflammée par la religion ?

— Je dirais, me répondit-elle, que tu fais bien, et je t’aimerais encore plus que je ne t’aime. »

Elle m’embrassa avec une grande