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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/530

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Hélène venait de rentrer ; sa figure était bouleversée, son visage inondé de larmes. Mon premier mouvement fut de regarder si elle n’avait pas de traces de violences, si son voile n’était pas déchiré ou ses mains ensanglantées. J’étais devenue tout à coup soupçonneuse comme ceux qui passent subitement d’une confiance aveugle à un doute poignant. Sa robe seule était poudreuse comme si elle eût été jetée par terre, ou comme si elle se fût roulée sur le plancher. Elle me repoussa en me disant : « Ce n’est rien, ce n’est rien ! Je suis fort malade, il faut que je me mette au lit ; laissez-moi. »

Je sortis pour lui laisser le temps de se coucher, mais je restai dans le corridor, protégée par l’obscurité, l’oreille collée à la porte. Elle gémissait à me déchirer le cœur. Du côté de la chambre de la supérieure, il y avait de l’agitation. On ouvrait et on fermait les portes, j’entendais des frôlemens de robes passer non loin de moi. Cette incertitude était fantastique, affreuse. Quand tout fut rentré dans le silence, je revins auprès de la sœur Hélène.

« Je ne dois pas vous interroger, lui dis-je, et je sais que vous ne voudriez pas me répondre ; mais laissez-moi vous assister et vous soigner. » Elle avait la fièvre, disait-elle, mais ses mains étaient glacées, et elle était agitée d’un tremblement nerveux. Elle me demanda seulement à boire ; il n’y avait que de l’eau dans sa cellule.