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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/539

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que je ne l’aimais pas assez. Je tombai dans un morne désespoir.

Je fis part de mon mal à Mme Alicia. Elle en sourit et me voulut démontrer que c’était une mauvaise disposition de santé, à l’effet de laquelle il ne fallait pas attacher trop d’importance.

« Tout le monde est sujet à ces défaillances de l’âme, me dit-elle. Plus vous vous en tourmenterez, plus elles augmenteront. Acceptez-les en esprit d’humilité, et priez pour que cette épreuve finisse ; mais si vous n’avez commis aucune faute grave, dont cette langueur soit le juste châtiment, espérez et priez ! »

Ce qu’elle me disait là était le fruit d’une grande expérience philosophique et d’une raison éclairée. Mais ma faible tête ne sut pas en profiter. J’avais goûté trop de joie dans ces ardeurs de la dévotion pour me résigner à en attendre paisiblement le retour. Mme Alicia m’avait dit : « Si vous n’avez pas commis quelque faute grave ! » Me voilà cherchant la faute que j’ai pu commettre ; car de supposer Dieu assez fantasque et assez cruel pour me retirer la grâce sans autre motif que celui de m’éprouver, je n’y pouvais consentir. « Qu’il m’éprouve dans ma vie extérieure, je le conçois, me disais-je ; on accepte, on cherche le martyre ; mais pour cela la grâce est nécessaire, et s’il m’ôte la grâce, que veut-il donc que je fasse ? Je ne puis rien que par lui, s’il m’abandonne, est-ce ma faute ? »