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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/541

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sentiment, aux moindres opérations de la pensée. De là à la disposition maladive qui s’exerce sur les autres et qui altère les rapports de l’affection par une susceptibilité trop grande et par une secrète exigence, il n’y a qu’un pas, et si un jésuite vertueux n’eût été à cette époque le médecin de mon âme, je serais devenue insupportable aux autres comme je l’étais déjà à moi-même.

Pendant un mois ou deux, je vécus dans ce supplice de tous les instans, sans retrouver la grâce : c’est-à-dire la juste confiance qui fait que l’on se sent véritablement assisté de l’esprit divin. Ainsi, tout mon pénible travail pour retrouver la grâce ne servait qu’à me la faire perdre davantage. J’étais devenue ce qu’en style de dévots on appelait scrupuleuse.

Une dévote tourmentée de scrupules de conscience devenait misérable. Elle ne pouvait plus communier sans angoisses, parce que, entre l’absolution et le sacrement, elle ne se pouvait préserver de la crainte d’avoir commis un péché, le péché véniel ne fait pas perdre l’absolution ; un acte fervent de contrition en efface la souillure et permet d’approcher de la sainte table ; mais si le péché est mortel, il faut ou s’abstenir, ou commettre un sacrilége. Le remède, c’est de recourir bien vite au directeur, ou, à son défaut, au premier prêtre qui se peut trouver, pour obtenir une nouvelle absolution ! Sot remède, abus véritable d’une institution dont la pensée primitive