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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/65

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ses torts envers la révolution et envers lui-même, je l’aime. Il y a en lui quelque chose, je ne sais quoi, son génie à part, qui me force à être ému quand mon regard rencontre le sien. Il ne me fait pas peur du tout, et c’est à cela que je sens qu’il vaut mieux que les airs qu’il se donne. »

Ma grand’mère ne partageait pas cette sympathie secrète qui avait gagné mon père, et qui, jointe à la loyauté de son âme, à la chaleur de son patriotisme, l’eussent certainement empêché, je ne dis pas seulement de trahir l’empereur, mais même de se rallier après coup au service des Bourbons. Il fallait que cela fût bien certain, d’après son caractère, puisque après la campagne de France, ma grand’mère, toute royaliste qu’elle était devenue, disait en soupirant : « Ah ! si mon pauvre Maurice avait vécu, il ne m’en faudrait pas moins le pleurer à présent ! Il se serait fait tuer à Waterloo ou sous les murs de Paris, ou bien il se serait brûlé la cervelle en voyant entrer les Cosaques. » Et ma mère m’en disait la même chose de son côté.

Pourtant ma grand’mère redoutait l’Empereur plus qu’elle ne l’aimait. À ses yeux c’était un ambitieux sans repos, un tueur d’hommes, un despote par caractère encore plus que par nécessité. Les plaintes, les critiques, les calomnies, les révélations fausses ou vraies, ne remplissaient pas alors les colonnes des journaux. La presse