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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/719

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quand Deschartres vint m’arracher de là, et Colette eut l’esprit de revenir vers le gué où était restée l’autre jument.

Deschartres ne fit pas comme le maître d’école de la fable, qui débite son sermon avant de songer à sauver l’enfant ; mais le sermon, pour venir après le secours, n’en fut pas moins rude. Le chagrin et l’inquiétude le rendaient parfois littéralement furieux. Il me traita d’animal, de bête brute. Tout son vocabulaire y passa. Comme il était d’une pâleur livide et que de grosses larmes coulaient avec ses injures, je l’embrassai sans le contredire ; mais la scène continuant pendant le retour, je pris le parti de lui dire la vérité comme à un médecin, et de le consulter sur cette inexplicable fantaisie dont j’étais possédée.

Je pensais qu’il aurait peine à me comprendre, tant je comprenais peu moi-même ce que je lui avouais ; mais il n’en parut pas surpris. « Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-il, cela aussi ! Allons, c’est héréditaire ! » Il me raconta alors que mon père était sujet à ces sortes de vertiges, et m’engagea à les combattre par un bon régime et par la religion, mot inusité dans sa bouche, et que je lui entendais invoquer, je pense, pour la première fois.

Il n’avait pas lieu d’argumenter contre mon mal, puisqu’il était involontaire et combattu en moi ; mais ceci nous conduisit à raisonner sur le suicide en général.